Je suis parti, avec mes compagnons aux
grands cœurs
Tous marins chevronnés, émérites, sur un voilier
magnifique
Parcourir des mers lointaines, des océans sans fins avec
ardeur
Dans la joie, la douleur, et l'effroi sous des cieux
mirifiques
Nous avons traversé des pays inconnus, ou l'or, l'étain
et l'ambre foisonnent,
Abordé des îles paradisiaques, mystérieuses, peuplées
d'hommes et de femmes sublimes
Joué, avec la mort maintes et maintes fois, sans jamais
qu'elle nous emporte
Bravé ces flots impétueux, tremblant de peur et de rire,
baignés de lueurs étranges sanguines
J'ai pleuré, prié, imploré le Seigneur à genoux, sur le
pont balayé par des vagues de pierres salées et acérées
Mes hommes cramponnés aux amarres, hurlant leur terreur
jusqu'au confins du temps
J'ai ri, remercié Dieu de sa mansuétude, de sa grande
bonté , d'avoir nos vies épargné
Mes hommes ont chanté sous le rythme des tambours,
cadençant les rames, quand le ciel a suspendu son vent
Sous des soleils implacables, les peaux se sont fanées,
se sont brûlées
Laissant des morsures atroces dans nos corps, des
regrets éternels dans nos âmes !
Que sommes nous restés dans notre cité ? dans nos
maisons de pierres et de chaumes !
Sous le doux climat des bises, des malaisées, bercés par
le trémolite incessant des cigales dans les pins
parfumés !
Pourquoi avoir écouté le chant envoûtant des sirènes ?
m' appelant de leurs voix divines, à partir avec mes
braves hommes !
Que sommes nous restés dans nos havre de paix, enlacés
dans les bras de nos belles ? au lieu de paradé sur ces
mers défigurées ?
La soif de connaitre, la quintessence de la vie ,
découvrir que les chiffres sont bons , que la terre est
ronde
Remplir les cales de trésors inconnus, d'épices et de
graines jamais goûtés , ouvrir ces routes de mer, pour
des terres immenses
Apporter le Christ , à tous ces hommes impies !
rapporter leur or, leur étoffes en échanges de nos
oboles !
Tracer sur des cartes nouvelles, les confins du monde,
donner nos noms à des îles bleues, planter nos croix au
sommets de monts grisâtres
Pourquoi ? qu'importe ! la gloire de l'homme! sa
suprématie sur les peuples plus jeunes, naïfs, sans
l'ombre de méchancetés
Passe par toutes ces souffrances et ce sacrifice de mes
hommes ! la perte de leurs dents ! de n'avoir mangé que
de la viande séchée !
Leur désespoir de ne plus retourner , la maladie qui
emporte les plus braves comme les plus faibles , ayant
tout donné dans des corps usés !
La faucheuse rodant au dessus de nos voiles, rapiécées,
ricane, attend l'heure, et nous, levant nos yeux
hagards, murmurons des Ave
A présent on est de retour ! dans le lacydon, les cotes
sont très proches
Partout des feux s'allument dans le calme heureux de la
ville, Massalia est en vue, la torpeur règne à bord
On entends au loin , une jeune fille chanter le Nausicaa
en s'accompagnant de la cithare
Je vois une ombre de regret passer dans les yeux de mes
amis, mais la vie des marins et de tout homme est ainsi
:
Demain là bas, aujourd'hui ici, pourquoi s'arrêter en
chemin ?
Hier je naissais, demain je mourrai, et entre ces
bornes, ma vie s'écoule dans le grand Tout du Monde
Dont je n'aurai pas pu percer les innombrables secrets
C'est mon lot de partir, d'arriver, de revenir, mais ne
suis je pas resté toujours dans le même lieu?
Qu'est le voyage que je projette à coté des voyages
immobiles et infinis des astres ?
L'escargot mourra sans avoir fait le tour du jardin
N'allons pas chercher loin ! ce que nous avons tout prés
de nous
Christ est là! dans tout ce que l'on vois de beau,
L'amour existe !
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